Face à ses coups je suis à terre.

 

A plat ventre sur le sol, je dégouline de stupeur. Ma peur est inscrite sur tous les pores de ma peau. J’ai mal, envie de crier mon désarroi, d’hurler ma détresse, de la jeter contre les murs. A la place, ce sont les objets qui s’écrasent sauvagement.

 

Mon visage est enflé. Le voilà ruisselant. De sang. D’angoisse. De honte.

Mon estime aussi est touchée. Rabaissée, humiliée, mise à mal. Elle a été battue. Elle aussi.

 

Cela fait deux ans que ça dure. Deux ans que je me fais battre.  Je ne sais pas me défendre, pourtant je m’efforce de me débattre. Mais mon unique réplique est le silence et mes seules ripostes consistent à me cacher.

 

En présence d’autrui dissimuler qui je suis m’apparaît comme un don. Ma peine est voilée, mes larmes ravalées, ma honte dissimulée. Portant comme habit l’allégresse, mon profil terne est noyé, remplacé, maquillé. Me voilà verni. Quel ravissant ensemble que la félicité.

 

Mon supplice est dissimulé dans ma prison de chair. Je le garde menotté au plus profond de moi. J’agoniserais d’apercevoir ma détresse dans le regard d’autrui. Mon appréciation me suffit.

 

Je ne suis plus une seule personne. Je suis deux. Son visage est en moi. Je l’ai englouti.

Avide de le recracher, j’aspire à l’expirer.  Au lieu de cela je m’étouffe avec.

 

" Mais monsieur, vous êtes un homme."

 

Oui. Je suis un homme.

Je m’appelle Georges et je suis un homme.

Un homme de 45 ans.

Grand de surcroît.

Fort parait-il.

Beau je l’entends dire.

 

Mais je suis un homme.

On me le rappelle. Cela détonne. Cela étonne.

« Vous êtes un homme »

Cela résonne. Cela bourdonne.

 

Oui. Je suis un homme.

Je suis un homme et je m'appelle Georges.

Un homme qui s’est toujours tu.

Un homme que ce mutisme tue.

 

Je suis un homme et on m'appelle Georges.

On m’appelle Georges mais je ne suis plus.